Au revoir Reims, fini les treillis, rangers et autres tenues kaki, j’ai fait une bise à mon char AMX 10, suis allé serrer la main des gradés, surtout celle de mon adjudant et me voilà de retour en Haute Savoie afin de reprendre mon poste d’animateur, je n'ai toujours pas de moustache!
Je finis de passer mon permis de conduire à Sallanches.
Code et conduite du premier coup, la classe ! Et puis, c’est l’émotion de ma première voiture !
J’achète une « Honda S800 » d’occasion. Petite voiture sportive et nerveuse de couleur rouge, au minuscule levier de vitesse, elle devient la pièce maîtresse de ma panoplie du parfait dragueur vu qu’il n’y a qu’une place « passagère ».
C’est la voiture que l’on retrouve dessinée dans les « Spirou et Fantasio ».
Malheureusement lorsque l’on roule, sa suspension me fait penser à celle de mon char AMX 10 de l’armée !
Je peux donc emmener mes conquêtes, sans aucune discrétion, jusqu’à des 160 Kms/h.
Ah jeunesse !
A partir de maintenant, je vais interdire à mes enfants de lire mes articles…
Cette voiture finira sa vie dans une congère, dérapage incontrôlée, tout l’avant à refaire, huit mois d’attente pour de nouvelles pièces. Adieu ma voiture de sport, option « drague », j’achète une R5 TL.
Les saisons s’enchaînent, la mentalité des vacanciers a changé ou bien est-ce moi qui ai mûri et qui vois les choses différemment ? Je les trouve plus exigeants, plus agressifs. Le village vacances a une politique qui offre de plus en plus de choix quant aux loisirs, logements, principes de restauration, garde des enfants.
Ce n’est plus l’époque où les vacanciers débarrassaient les tables et allaient faire la vaisselle, ce qui créait une vraie complicité entre eux, permettait des échanges, et donnaient place à des fous rires que je n’ai plus retrouvés par la suite.
Bref, je pense que ces nouveaux « acquis » ont changé la mentalité des vacanciers.
Nous passons à la génération :
« Je suis client, j’ai payé, je suis le roi et j’ai le pouvoir divin de pourrir votre existence d’employé tout à mon dévouement, et ce, 24h/24… »
Cette ambiance va sûrement contribuer au fait que je commence à compter les jours et que l’appel de la scène résonne de plus en plus dans ma tête.
Il faut que je devienne un vrai artiste, un pro, donc il faut que je monte à Paris en fredonnant la chanson de Charles : « Je m’voyais déjà … »
Pas facile car lorsque vous bossez dans ces villages de vacances, vous êtes pris en charge presque complètement, nourriture et logement. Pas de courses à faire, un tout petit loyer, des rencontr
es très souvent sympas. Vie facile…
Alors aller à Paris pour prendre des cours d’art dramatique, trouver un petit boulot, se loger, assumer la pitance …
C’est le grand saut dans l’inconnu, dans ce qui fait peur, alors on retarde l’échéance !
Et puis, on se dit : « Suis-je vraiment fait pour être comédien professionnel ? », et toujours sans moustache...
En attendant de prendre une décision, j’ai le bonheur de vivre depuis peu avec une très jolie brune, mais oui, que j’appellerai Pat. Je l’ai même présentée à mes parents lors d’une escapade à Paris. Elle travaille à la réception.
Mais par un bel après-midi du mois de décembre 1976, je suis en train de discuter avec un autre animateur à l’entrée du village vacances, lorsqu’ arrive une nouvelle recrue prévue pour être réceptionniste, elle se prénomme Bernadette, elle est blonde.
Elle est belle comme un cœur, a beaucoup de présence, aussitôt les mâles sont en ébullition !!!
Bernadette et Pat deviennent les meilleures amies du monde, mais en avril, pendant l’inter saison, Pat s’en va, ayant signé son contrat pour revenir travailler au mois de juillet 1977.
J’ai l’impression d’écrire pour un magazine « People », tant pis, c’est la vérité de ma vie.
J’étais très copain avec Bernadette, rien de plus. Mais la vie va en décider autrement.
Un soir, je projette un film aux retraités.
Après avoir transpiré dans ma cabine de projection je croise Bernadette qui me dit :
« Je vais me coucher, je suis crevée, demain j’emmène mes retraités en excursion très tôt et en car ».
Je lui propose quand même de venir avec moi prendre un pot vite fait à Megève.
Il y en a pour trente minutes maximum.
Nous voilà partis tous les deux dans ma R5. C’est l’inter saison et ayant du mal à trouver un bistrot ouvert, je décide de continuer ma route vers Chamonix !
Il ne reste plus qu’une trentaine de kilomètres à faire.
Tout ressemblance avec des personnages existants ou ayant existés n’est pas fortuite, ce que je vais vous raconter est la vérité.
Nous arrivons à Chamonix, et la voiture commence à avoir des ratés. Elle se met à ralentir, avoir des à-coups. Je m’arrête une première fois, ouvre le capot, vérifie qu’il y a bien un moteur. Oui, la mécanique et moi…
Nous repartons et arrivons tant bien que mal dans un pub. Ayant lu la carte, nous décidons de grignoter un petit quelque chose.
La serveuse arrive pour prendre la commande.
En même temps, comme d’une seule voix, Bernadette annonce « Un croque-monsieur », et moi « Un croque-madame ».
Aussitôt nous nous regardons, prenant conscience de ce qui a été dit. Nous rions, mais ce rire est teinté d’un trouble évident mêlé d’une certaine gêne.
Il est en train de se passer quelque chose, nous en sommes conscients.
Nous reprenons notre chemin et, par trois fois la voiture recommence à faire des siennes. Je me gare comme je peux sur le bas-côté. Cette route amène au tunnel du Mont-blanc et les poids lourds, en passant, font que la voiture est secouée dans tous les sens, ce qui ne nous rassure pas beaucoup.
Mais, comprenant qu’à chaque fois qu’on laisse le véhicule se « reposer » un instant, il repart pour faire plus ou moins cinq kms, je propose à ma compagne d’infortune de se reposer, notre retour se fera donc en plusieurs étapes…
La pauvre commence son excursion le matin à 7h30 et il est presque minuit.
Je suis embêté de lui faire subir, très involontairement ce « coup de la panne. »
Je mets son siège en position couchette et la couvre de mon manteau afin qu’elle n’ait pas froid.
Coup de théâtre… Arrivât ce qu’il devait arriver…
Malgré le froid à l’extérieur, mon sang doit être à une température de 50°. J’ai la respiration un peu coupée, des bourdonnements d’oreilles, le rythme cardiaque s’accélère, vite un brancard, je suis en plein dans la série « Urgences ».
Je sens tous les symptômes du désir m’envahir. Je crois qu’il en est de même pour ma compagne d’infortune.
Je vous passe les détails…
Après quatre arrêts, nous remontons la côte qui amène de Sallanches à Megève puis Praz sur Arly. Au détour d’un virage, je vois un écriteau « Garage à 50 mètres ».
Je prends ce petit chemin, manque de me faire bouffer par un Berger Allemand puis, m’adressant au garagiste qui s’approche, je lui explique mon problème. Il me dit :
« Oh, je vois ce que c’est ! Ouvrez votre capot »
J’obéis, il jette un œil puis m’annonce fièrement :
« Oui, c’est ça, regardez, c’est le cabochon d’alternateur qui s’est défait. »
Il appuie dessus, ça fait un petit clic, il m’explique pourquoi la voiture avait du mal à avancer puis, lorsque je lui demande combien je lui dois, il sourit en me disant qu’il n’a fait qu’appuyer sur une pièce qui doit coûter 3 francs et que je ne lui dois rien du tout.
Comme je l’ai dit lorsque je suis passé avec ma femme dans l’émission
de Mireille Dumas, « Bas les masques », il y a quelques années de cela :
« Un cabochon d’alternateur à 3 francs mal enclenché fait que je me suis retrouvé marié quelques années plus tard et père de tro
is enfants !!!»
Ah ! Je ne vous ai pas dit, avec
Bernadette...
« A tout bientôt !!! »