Je vous l’avais promis, le voilà donc cet article concernant le tournage de :

Je reçois, par un beau jour de printemps, un appel d’Alain Chabat me proposant une rencontre dans sa boite de productions afin de parler du film. J’y rencontre Bernard Farcy, alias Barbe Rouge. Très vite, autour d’un café, le courant passe entre ces personnes de bonne famille un peu déjantée.
Alain nous dit qu’il s’est battu avec la production pour avoir, comme dans la BD, son équipe de pirates. Il avait dit à Claude Berri, producteur :
« Si on enlève les pirates dans ce film, c’est comme si on retirait le Professeur Tournesol dans Tintin. »
Alain Chabat nous annonce qu’il nous a choisi pour ces rôles là ; On lit donc le scénario et on lui donne la réponse assez vite.
Sitôt rentré chez moi, je dévore le texte et tout au long de la lecture, je vois les images du film passer dans mon imaginaire. C’est clair, c’est évident, c’est magnifique d’humour, de poésie, et en plus c’est truffé de gags.
Je téléphone le lendemain pour lui donner mon accord et nous décidons de nous revoir dans un restaurant japonais afin de parler des personnages, car jusqu’où aller dans le jeu sans tomber dans la caricature tout en restant dans l’esprit de la BD de Goscinny et Uderzo.
Je suis sidéré de voir avec quelle décontraction Alain vit son film, et lorsque je lui pose la question :
« Tu te rends compte de la lourdeur du tournage de ce film et des
difficultés énormes que tu vas rencontrer… »
Il me répond en reprenant un sushi et deux sashimi :
« Il y a deux plans un peu compliqué à tourner, sinon pas de souci, ça baigne. »
Pour un futur pirate le « ça baigne » est très parlant.
Nous voilà à essayer perruques, costumes et jambe de bois en ce qui me concerne.
Un mois auparavant, en jouant au football, je me suis fait une double entorse, et malgré les soins, je déguste !
On me fixe le pilon avec la cheville meurtrie repliée et bandée sur la fesse !
Je serre les dents, mon kiné m’avait annoncé que je ne pourrais pas tourner ce rôle de pirate, je lui avais répondu que si contre « Vents et marées !!! »
J’ai la chance d’assister aux essais de perruque de Claude Rich, acteur merveilleux de talent et homme particulièrement délicieux.
Au fur et à mesure, je vois apparaître le personnage de Panoramix avec sa douceur et son humanité.
Je confirme que je n’ai jamais vu une ambiance de tournage comme celle-là.
Pour preuve tous les témoignages sincères que vous trouverez sur Allociné :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18669226&cfilm=28537.html
Nous sommes tous des enfants pressés de jouer, c’est vraiment le terme.

Vous n’imaginez pas le travail effectué par toutes ces petites mains qui ont
oeuvré sur toutes les perruques.
C’est à une perle près en plus ou en moins !
Alain Chabat me dit qu’il va être obligé de faire un gros plan sur chaque perruque car chacune d’entre elle est une œuvre d’art.
Idem pour les costumes et les accessoires, nous parlerons des décors plus tard…
Cette fourmilière s’active afin que les premiers tours de manivelle puissent être donnés au mois d’août.
Les premières séquences tournées seront celles de pirates. Nous tournons deuxième quinzaine d’août à Malte.
Cet archipel a été choisi pour ses studios aquatiques, en effet nous travaillons sur un immense bassin en plein air qui se confond avec la mer.
C’est dans ce lieu inondé de lumière où la température avoisine entre 40° et 45°que se sont tournés les plus grands films américains ou étrangers.
On y trouve des sous marins posés dans des entrepôts ou des galions un peu abîmés par le temps.
Alain Chabat dispose de machines pour faire les vagues et d’immenses hélices qui, en tournant, nous envoie une fausse brise afin que le bateau puisse être secoué dans tous les sens. Quant à Bernard Farcy, voyez la photo, c'est le roi du monde !!!

Nous entendrons régulièrement Alain Chabat muni de son porte voix annoncer :
« Send the wind, send the waves ! » (Envoyez le vent, les vagues !)
Aussitôt nous nous retrouvions comme des pop corn sur le bateau, il faut avoir
le sens de l’équilibre pour tenir debout avec une jambe de bois !

Alain Chabat venait tous les matins serrer la main de tout le monde avec un vrai et grand sourire.
Comment voulez-vous tourner une comédie si le réalisateur « tire la tronche » et ne respecte pas techniciens ou comédiens ???
Et pourtant il en existe encore de ces gens d’une « race dite supérieure ». Passons !
Jamel Debbouze avait la loge à côté de la mienne. Elles étaient climatisées, ce qui est une bonne idée mais lorsque nous devions sortir pour aller sur le bassin…
Je l’entendais régulièrement hurler :
« Je vais mourir, il
fait trop chaud dehors, il fait trop froid dedans ! »
Heureusement son frère Momo l’accompagnait car lorsque Jamel, un peu nerveux le garçon, vous dit quelque chose…
Je demandais régulièrement à son frère s’il pouvait traduire ses propos, ce à quoi Jamel me répondait :
« T’es pas français
toi, tu comprends jamais ce que je dis ! »
Garçon adorable, je le confirme vraiment.
Afin de déplacer les différents bateaux sur le bassin, il y avait comme des tracteurs des mers dotés de pinces. Ils étaient montés sur d’énormes pneus et marchaient au gasoil.
La température était tellement élevée que nous avons eu, au début, plaisir à tourner les scènes dans l’eau. Cela n’a duré qu’un temps car ces « tracteurs » dégazaient régulièrement et le bassin contenait plus de carburant nauséabond que d’eau de mer. Ah ! Pénibilité du travail ! Il faudra que j’en parle à un syndicat.
Interdiction formelle de fumer dans l’eau au risque d’exploser !!!
Ma perruque, fabriquée à Londres, qui a coûté dans les 4000 € n’a pas résisté à l’épreuve de cette eau mi-salée, mi mazoutée. Le soir même de sa première utilisation, l’équipe coiffure a été obligée de courir en ville pour trouver une équivalence qui soit raccord. Trop forts, ils ont parfaitement réussi !

Les températures extrêmes rendent fous, pour preuve, ces trois photos avec Bernard Farcy devant la porte des loges.
Au début tout va bien puis d’un coup, il pète les plombs.
Mon côté « vieille mémère », les cheveux en chignon, a dû l’exciter !

Ne montrez pas ces photos, je ne veux pas que Bernard ait des problèmes avec sa charmante épouse ou son adorable fille (en photo) !!! Et moi non plus !!!

Lorsque nous rentrions le soir à l’hôtel en guenilles, pressés d’aller prendre un vrai bain sans mazout, notre seule envie était de redescendre au plus vite afin de tous nous retrouver autour d’un verre puis d’un repas. Pourquoi faire, me direz-vous?
Pour parler des scènes à tourner le lendemain.
Un souvenir indélébile que je vais essayer de vous donner.
Moi qui suis à la musique ce que Mozart est au cappuccino, je retrouvais au piano du bar de l’hôtel Philippe Chany, compositeur du film. Il me jouait quelques morceaux de ce qu’allaient être les musiques du film.
Pour les scènes des pirates, j’ai pensé à ça, me disait-il..
Et il jouait vaguement des notes qu’il avait imaginées dans la journée.
« Pour Cléopâtre, son arrivée, ce serait ça ??? Bon, il faut imaginer ce morceau avec cuivres et percussions… Tout cela enregistré à Londres… »
Je comprenais tout et m ‘envolais vers le paradis du fa diminué ou du demi-soupir de la croche.
Prochain épisode, la suite de « Mission Cléopâtre » suite et fin de Malte et tournage au Maroc ainsi qu'à Epinay sur Seine en studio…
SALAM ALIKOUM…
Malte