Vous parler de ma passion, pousser mes coups de gueules, ouvrir pour vous un peu le livre de ma vie et peut-être répondre aux interrogations que vous avez quant à mon métier d'acteur...
Nous voilà arrivés à Paris, Bernadette, le fruit de l’amour qu’elle porte en elle (Que c’est beau…), la machine à laver Calor et deux valises. Toute notre vie dans un coffre de R5 !
Heureusement mon frère nous « offre » son appartement à Asnières Gennevilliers, dans une tour HLM. Eh oui… La banlieue, je connais…
Par discrétion vis-à-vis de lui, je ne dirai pas où et chez qui il a vécu pendant ces quelques mois… La grossesse se passe bien, rythmée par la lecture du livre des prénoms, des conseils de la famille ou des amis. Les incontournables : « Tu portes le bébé très en avant, ce sera un garçon »
« Si tu as mal à l’estomac, c’est que le bébé a des cheveux », j’en passe et des meilleures... Pour notre progéniture, nous allons faire les magasins, mais la question revient toujours :
« La couleur… Bleue ou bien rose ?… »
Bref tout va bien jusqu’au jour où un laboratoire d’analyses nous téléphone. Il y a un petit souci. Des analyses sont à refaire…
On refait donc une petite prise de sang, le résultat tombe et vient nous anéantir.
Malgré toutes les précautions prises, Bernadette vient de contracter la toxoplasmose. Je vous laisse chercher par vous-mêmes les conséquences d’une telle maladie. Nous allons vivre pendant sept mois bien évidemment dans la peur.
Le traitement donné par le gynécologue est suivi à la lettre.
Pendant ce temps, je me suis inscrit dans un cours d’art dramatique à Paris, le « Studio 34 ». Il m’a été chaudement recommandé par Marthe Villalonga dont je vous avais parlé dans l’épisode Un.
Le travail sérieux commence avec, entre autres, Claude Mathieu, Béatrice Lord et Philippe Brigaud, comme professeurs.
On travaille la diction, le déplacement du corps dans l’espace, je tâte des textes classiques, modernes, et je suis même mis en scène dans un travail de cours par un nommé Bruno Wolkowitch.
Philippe Brigaud nous a dit un jour :
« Pour réussir dans ce métier, il faut 50% de talent, 50% de gueule et 50% de chance. »
Cette chance vient d’un de mes copains de cours dont je vous ai parlé, il s’agit de Monsieur Raymond Aquilon. Il joue à l’époque au « Café d’ Edgar » en duo, mais son partenaire ne peut plus suivre, il est papa depuis peu, travaille dans l’informatique et ça paye bien plus que d’être saltimbanque.
Il reste trois semaines à faire et un dédit à payer si le spectacle s’arrête. Raymond me propose donc de remplacer son partenaire durant cette période. Après avoir lu la pièce, je m’évanouis et lui propose de réécrire avec lui pas mal de choses. Il accepte, on se met au travail, on fait des photos, on travaille sur l’affiche, on refait la mise en scène, le spectacle est baptisé:
« Demain, j’enlève le noir »… Je joue à Paris pour la première fois, et ça marche super, nous nous entendons bien sur les planches avec Raymond et aussi très bien dans la vie.
Le public répond présent.
Du coup, nous restons 6 mois à l’affiche pendant lesquels, nous jouons notre spectacle, collons nos affiches de nuit à la sauvage puis allons manger un petit bout. Nous nous retrouvons entre copains de café théâtre ou cabarets, pour ne parler que de notre passion et se traiter d’enfoirés parce que lorsque vous collez des affiches de votre spectacle, le temps de finir la rue et de la remonter, vos affiches sont déjà recouvertes par celles des copains…
Combien de fois on a pu se chamailler avec Jean Hugues Lime (Sur la photo),
ou encore Pascal Légitimus et son partenaire de scène de l’époque Seymour Brussel, deux sacrés colleurs, aussi rapides que l’éclair.
Quand je dis chamailleries, comprenez plutôt rigolades à tous les étages.
Quant à ma vie de famille, elle est suspendue à la naissance de bébé et toutes les interrogations possibles que vous pouvez imaginer.
Cette saleté de maladie avait-elle touché l’enfant et jusqu’à quel point ?
Ma mère habitait en face de la clinique et avait mis à notre disposition son petit appartement. Elle nous avait laissé son lit et dormait dans un canapé. Un soir, à son retour de travail, Bernadette lui dit qu’elle ne comprend pas pourquoi depuis un bon moment, elle a des douleurs dans le bas du ventre.
Ma mère qui a, quand même, accouché de 6 enfants, elle, sait ce qu’il se passe.
Nous partons immédiatement pour la clinique, c’est un samedi soir.
Le dimanche à 10h40, ma fille arrive au monde. A première vue tout va bien mais une infirmière met le placenta au frais afin de faire des analyses, et un ambulancier embarque dans son bolide, ce petit être qui, à une heure d’existence, fait déjà la visite de Paris par un beau dimanche à 120 Kms/h toutes sirènes hurlantes. Des spécialistes de l’hôpital Saint Vincent de Paul vont pouvoir ainsi l’examiner sous toutes les coutures.
On me demande de revenir à la clinique le lundi et l’on m’explique que, faute de personnel, il serait bon que je porte moi-même la poche placentaire à l’hôpital pour des examens.
Je me retrouve donc dans le métro avec un sac plastique glacé, et pendant quarante minutes j’espère vivement que ça ne va pas couler et qu’il n’y aura aucun contrôle! Jamais un policier ne pourrait croire à mon histoire.
Je me vois déjà en taule, surnommé par la brigade « L’éventreur de Paris » !!!
Arrivé là-bas, un docteur à qui je donne la poche sourit un peu jaune et me dit :
« Qu’est ce qu’ils ont foutu à la clinique? Tout est congelé, on ne peut rien voir, si il y a eu des parasites, à cette température, ils n’ont pas survécu. On ne saura rien, il va falloir faire des investigations plus pointues ! »
Et voilà ! Encore trois semaines d’attente pour récupérer notre fille.
J’arrive le lundi après midi au cours de théâtre très en retard, ce que me fait remarquer mon professeur. Je m’en excuse et annonce à tous mes camarades :
« Désolé, je ne pouvais arriver plus tôt, depuis hier matin je suis papa d’une petite fille ; Comme je ne suis pas très argenté, je n’ai pu apporter que du cidre et des petits gâteaux pour fêter l’événement. »
Explosion d’applaudissements dans la salle, quelques larmes chez les filles et parmi les élèves, un garçon avec qui j’ai joué plusieurs fois au théâtre et qui est resté un de mes amis, j’ai nommé Monsieur Urbain Cancelier. Vous allez le reconnaître sur la photo.
Retour à Saint Vincent de Paul, quelques examens plus tard, le professeur nous annonce qu’il faudra surveiller cette enfant, surtout la vue, faire attention à tout changement non expliqués lors de son adolescence mais à priori, d’après lui, la maladie a été traitée à temps et n’a pas du faire de dégâts.
Aujourd’hui, ma fille a 26 ans, elle est infirmière urgentiste et vu qu’elle a contracté, par sa mère, la toxoplasmose, elle est immunisée et pourra, si tout se passe bien, donner naissance à un enfant au mois d’août 2007…
Je vous interdis de m’appeler Pépé !!!
Mars 1981 : Je finis cet épisode par un coup de fil. Pascal Légitimus me téléphone, il vit à l’époque avec la secrétaire de Philippe Bouvard…
Il me dit :
« Tiens-toi prêt avec Raymond, il prépare une émission avec des jeunes comme nous, ça risque d’être dur, mais on ne sait jamais… »
Suite au prochain numéro… Salut Raymond !
« A tout bientôt !!! »




