Le temps d’éplucher les journaux, lors d’un bref passage à Paris, et je trouve une annonce émanant du « Groupe Mornay ».
Ils cherchent un responsable animation pour la saison d’été, solide formation, capable de s’occuper de toute une équipe, ayant le sens de la gestion et surtout, sachant monter des spectacles.
Le rendez-vous avec le grand patron se passe un samedi après-midi.
Un bel immeuble à Paris, j’appuie sur un bouton puis je pousse une porte vitrée, elle ne s’ouvre pas.
Un monsieur arrive, faisant de grands gestes. Il ouvre cette maudite porte en me disant :
« Vous ne voyez pas qu’il faut tirer, c’est marqué !»
C’est lui le grand patron ! Le courant passe immédiatement entre nous, mais c’est de la haute tension.
Il faut dire que j’étais d’un naturel très timide, ce métier m’a aidé à passer un petit peu au dessus de cet handicap.
Oh ! Cette « maladie » revient bien de temps à autre, malgré tout…
La conversation s’engage entre lui et moi à propos du poste proposé, mais, dans la famille « Je suis bloqué », donnez-moi Michel Crémadès.
Bonne pioche !!!
Je ne sais répondre à ses questions que par oui ou par non.
Heureusement Bernadette m’a accompagné et voyant que je m’exprime aussi brillamment qu’une carpe, elle prend la parole et petit à petit, le monsieur ne discute qu’avec elle, m’ignorant totalement.
A la fin de la conversation, il s’adresse à elle :
« Vous, vous me plaisez ! Vous avez travaillé comme réceptionniste, parfait, vous n’avez pas les deux pieds dans le même sabot ! Je vous embauche.»
Il décroche son téléphone et signifie à l’un de ses collaborateurs de garder sous le coude le dossier « embauches réception » car il vient de trouver une perle rare.
Grand moment cinématographique.
Bernadette, me montrant du doigt lui demande ce qu’on fait pour moi. Il cherchait,au démarrage, un chef animateur …
Un peu gêné quand même, il relit encore une fois mon C.V. et finit par me donner ce poste de responsable animation. Il pense sûrement au fond de lui, que la saison risque d’être des plus tristes…
Mai 1980 : Nous arrivons avant le début de l’été afin de tout préparer.
Ce village de vacances se situe dans un parc privatif de 14 hectares en bord de mer, avec une succession de plages à l’infini, de conches, de petites baies de sable fin. Il est situé à La Palmyre, non loin de Royan, et il porte le joli nom de « La Grande Baie ».
Nous sommes en pleine nature, des arbres, des écureuils, cet air iodé que je n’ai pas le temps de respirer car je m’enferme toute la journée dans ma salle de spectacle afin d’y monter mes bandes son pour les soirées, je prépare mes jeux d’intérieur et extérieur, regarde avec attention la programmation artistique qui avait été déjà faite par le siège à Paris.
Tel un général en chef, je mets en place mon plan de bataille afin que les vacanciers passent les plus belles vacances de leur vie. J’ai sous mes ordres une équipe de 5 sportifs (voile, bateaux, planches à voile…), une équipe pour s’occuper des enfants. Avec moi un jeune étudiant pour m’aider, Pascal.
Il n’a pas d’expérience en matière d’animation, mais je me fais fort de lui donner cette « envie d’avoir envie ».
Je ne suis pas très loquace. À midi, nous déjeunons avec toute l’équipe, je reste concentré dans mon assiette et ne pense qu’à l’arrivée des premiers vacanciers afin de pouvoir « exploser ».
Cette explosion a bien lieu. Les premières voitures arrivent, j’accueille les « visages pâles », passant d’une tenue excentrique à une autre, faisant blague sur blague, je suis partout à la fois. 
Je cours, saute, je fais la circulation, je me fais passer pour un vacancier et arrive en hurlant à la réception sous des prétextes divers, et ce devant des vacanciers médusés. Certains se demandent si je ne sors pas d’un H.P…
Le directeur du village et sa femme ont compris à qui ils avaient affaire.
Ils sont formidables et très professionnels. Ils me font toute confiance et cela me donne des ailes. Je veux que les vacanciers sachent dès leur arrivée que ce farfelu d’animateur qui va leur faire passer des vacances déjantées, se nomme Michel.
Je sais que c’est ma dernière saison, je veux finir en « beauté » et prouver à ceux qui pensaient que j’étais incapable de gérer une équipe et un budget qu’ils se sont mis la main dans l’œil.
Toute mon équipe me suit avec un grand dévouement, ils sont tous étonnés de ce changement de personnalité.
Ils m’ont connu renfermé, timide, sans odeur ni saveur et puis le Docteur Jekyll s’est transformé en Mister Hyde !!!
Cerise sur le gâteau, j’arrive un jour à la réception et Bernadette qui y travaille, comme intimidée ou coupable, se demandant sûrement quelle serait ma réaction,
m’annonce du bout des lèvres que je vais être papa.
Une des plus belles journées de ma vie allait commencer. Après avoir embrassé la future maman, je partais annoncer à tous ceux qui voulaient l’entendre la nouvelle. Ce jour là, j’étais Superman ! Comme beaucoup d’hommes qui apprennent qu’ils ont été capables de « faire » un enfant.
Je dis à toutes les mamans que les pères ne savent jamais assez les remercier du cadeau qu’elles nous font.
Soir
ées dansantes, spectacles, jeux, rallyes, toute y passe, dans la joie et la bonne humeur. J’invite régulièrement, aux frais de notre caisse noire, toute ma troupe à déguster au restaurant du village de vacances les huîtres, éclades de moules, mouclades, cagouilles et autres plats locaux que je vous invite à découvrir. C’est sublime !
L’équipe entière se donne à fond, même Bernadette n’a pas peur de voltiger dans les airs malgré sa grossesse. 
La saison touche à sa fin, le contrat est rempli. Nous sommes épuisés, blancs comme des cachets d’aspirine, mais tellement heureux du travail accompli et fiers d’avoir été à la hauteur de la confiance de notre hiérarchie.
Un bon nombre de lettres de félicitations écrites par des vacanciers arrivent au siège du « Groupe Mornay », aussi, le grand patron que j’avais rencontré à Paris descend avec deux adjoints afin de nous proposer avec Bernadette de continuer à travailler pour lui. Nos conditions seront les siennes, et, avec beaucoup d’élégance, il nous octroie à chacun une grosse prime.
Je le remercie vivement mais lui explique que ma décision est prise.
J’arrête une fois pour toute ma vie d’animateur et pars avec Bernadette, et « bébé » à la conquête de la capitale.
Toute notre vie se trouve dans le coffre de notre R5, dont une petite machine à laver bleue de marque Calor, quel must !
Un nouvel épisode de notre vie va s’écrire,
Enfin, je vais bientôt le réécrire pour vous…
« A tout bientôt !!! »