Après quelques galères que vous pouvez imaginer, nous vivons, mes parents, mon frère et votre serviteur dans un logement sur Paris à côté du square d'Anvers dans lequel j'ai usé pas mal de
paires de baskets à force d'y jouer au foot.
Le IX° arrondissement devient mon lieu de vie. Il me faut du temps
avant de m'habituer à certaines choses. Par exemple, c'est un peu ridicule mais, en Afrique du nord, on s'habillait "léger", soleil oblige, alors qu'en France Métropolitaine, on se colle le
nez à la fenêtre afin de voir si il pleut, s'il fait froid et on se demande si on va mettre un pull ou deux? On vit en quelque sorte un peu plus replié sur soi afin
de garder la chaleur qui n'est pas toujours au rendez-vous dehors! Bon, on ne va pas épiloguer là-dessus.
Mes études: Pas mal, merci!
De bonnes notes à l'école Turgot, des prix d'excellence ou d'honneur. J'étais récompensé par de
gros recueils rouges que j'avais du mal à soupeser. Magnifiques ouvrages qui me faisaient voyager sur les bateaux de Magellan, de Surcouf et tant d'autres... Pourquoi
donc que des livres sur les marins? Mystère! Je ne vous mène pas en bateau, c'est vrai! Un signe du destin, peut-être? Je n'aurais
jamais imaginé qu'un jour je serai "Triple Patte le Pirate" dans le film d'Alain Chabat: "Mission
Cléopâtre"!
Mes passions: Le football, eh oui! Mon père, génétiquement parlant, ancien
gardien de but était sûrement passé par là! Et puis, autre passion dévorante, j'étais "raide dingue" de médecine, je voulais même pratiquer l'art de la chirurgie! Avec les
trois sous d'argent de poche que me donnaient de temps à autre mes parents, je m'achetais des revues médicales du genre, "Médecine pour tous".
Je les dévorais du matin au soir. Mon père du reste ne comprenait pas pourquoi, comme tous mes camarades de classe, je ne me fournissais pas plutôt en petites
"Dinky Toys" ou "Mistral gagnant"? Quant à ma mère, elle était à bout de nerfs. Lorsque j'avais un bout de viande dans l'assiette, je fixais une serviette autour de ma cavité
buccale, genre grand patron, et je le disséquais!
"Ton steak est froid maintenant!" me répetait-elle si souvent. Elle ne se rendait pas compte que, grâce à mon intervention chirurgicale, j'étais en train de sauver un morceau
de bavette de boeuf. Pour changer un peu, j'achetais du mou pour chat et j'ouvrais, je farfouillais les alvéoles, je recousais et tentais de mettre en application toutes ces opérations
chirurgicales que j'avais repérées dans mes livres de médecine.
Dans une vie antérieure, j'avais peut-être déjà exercé et
comme une bande magnétique mal effacée, il m'en serait resté quelque chose?...
Après l'école, le lycée Jacques Decour!
Je me suis régalé, du moins les pr
emières années. Toujours de bonnes notes, d'excellents professeurs. Nous les respections car ils le
méritaient. Ils étaient vraiment passionnés par leur boulot. Je faisais Anglais et Espagnol, nous avions par semaine une centaine de mots de langage courant à apprendre. C'est quand
même mieux que de travailler sur des auteurs très littéraires qui utilisent des " Impératif du plus-que-parfait du subjonctif présent de l'indicatif du passé antérieur!!!" Utilise t-on des temps
pareils pour acheter une baguette de pain dans une boulangerie de la ville d'Alcoy ou de Murcie? Apprenons déjà à connaître la traduction du mot pain!!!
Bref... Avec le temps, je me rends compte assez vite que les maths et la
physique sont deux matières qui, pour moi sont aussi éloignées que les planètes Mars et Pluton. Aussi, la mort dans l'âme, je me résous à penser très sérieusement à ranger le « Scalpel du
Professeur Barnard » dans le fond de mes regrets.
Je me tourne donc vers « Raymond Kopa » et m'adonne aux joies
du football au Stade Fran
çais.
Dommage, l'entraîneur de l'équipe Juniors est plus attiré par la bouteille que par le ballon rond ! J'adore le sport et je n'arrête pas. Au lycée, je pratique foot, hand-ball, volley-ball et
même rugby !
Tous mes copains n'ayant pas de mal à me dépasser en taille, je trouve la
parade en compensant par mon côté "pitre, rigolo de la classe".
Un prof de maths, Mr Noël, très sévère, me fait régulièrement monter sur
l'estrade pour clore les cinq dernières minutes de ses cours. Est-il le déclencheur de ma vie future ?
« Estrade ou scène, telle est la question ! ».
Toujours est-il que mes copains attendent ce moment avec impatience et je perçois même dans les yeux de ce professeur un certain plaisir à passer un bon moment au travers de mes improvisations
"abracadabran mathesques".
Son cours finit invariablement par cette
phrase:
"Mr Crémadès, c'est désespérant, vous
serez obligé d'aller vendre des cravates!"
MAI 68: Un tournant pour moi. Tout s'arrête, les cours, la cantine, nous sommes livrés à nous mêmes, mes parents ayant eux aussi des problèmes pour aller travailler, ne
s'occupent plus de moi. Avec mes copains, nous nous laissons aller à nos idées les plus farfelues. Bien sûr on va défiler pour faire comme les grands, on essaye d'aller draguer en évitant de
se prendre soit des refus, soit des pavés ou pire des coups de matraque sur la tête. Nous avons l'impression de devenir des adultes, les hormones commencent à "chatouiller ou gratouiller".
On va jouer au billard Français au « Café des Oiseaux », on organise des tournois de foot, bref, c'est la "glandouille totale"...
Quand les cours reprennent enfin, quelque chose s'est cassée. Les
professeurs ont changé, les élèves se sentent investis de nouveaux droits. Nous sommes dans la génération « Il est interdit d'interdire ».
Pour moi, c'est un tournant que j'amorce plutôt mal. Mon père
ne va pas bien. Il va de boulot en boulot avec de longues périodes d'inactivité. La joie de vivre ne brille plus dans ses yeux depuis longtemps. Entre la guerre dont il nous
parle si souvent, ses amis
de combat perdus lors du siège du "Monte
Cassino",
sans oublier la perte de son, de notre pays
natal...
Ma mère, elle, fait bouillir la couscoussière comme elle peut, quant à
moi, je « sèche » régulièrement et deviens un grand ponte de la littérature. Les mots d'excuses écrits et signés par mes soins sont légion. J'ai dû , à cette époque, attraper toutes les
maladies même les plus tropicales afin d'échapper aux cours.
Non, cet air de liberté que j'ai respiré pendant plusieurs mois
m'a été plutôt nocif.
Les résultats ne se font pas attendre. Au conseil de classe, le verdict
est sans appel. Presque tous mes copains « footeux » passent dans la classe supérieure sauf moi. Je redouble lamentablement et vais me retrouver avec de plus jeunes
élèves...
Ma soeur aînée qui, tout comme mon autre
soeur avait arrêté le théâtre depuis un bon moment, se plaignant que les rôles qui lui étaient proposés devaient un peu trop souvent passer par un protocole "Promotion fauteuil
d'orchestre", si vous voyez ce que je veux dire, eh oui, déjà à cette époque, il fallait beaucoup donner de sa personne pour faire ce métier... Ma soeur aînée, donc, a la bonne idée de me
proposer de passer deux mois de vacances d'été dans un village de vacances dont elle est sous-directrice, et ce, à Praz sur Arly en Haute Savoie.
"Cela te détendra, te permettra de respirer le "bon air de la montagne" et de revenir à Paris gonflé, prêt à faire une bonne terminale?!
Au bout de dix jours, étant un peu un hyperactif, je commence à m'ennuyer et lui demande si je ne peux pas trouver un petit job d'été. Sitôt dit, sitôt fait, je me retrouve propulsé
« Animateur pour préadolescents » dans ce même village de vacances. Il faut s'occuper des jeunes, les divertir. Nuits en alpage, Balades en montagne, créations d'herbiers, ateliers
en tous genres, montages de spectacles, etc.
Le responsable de l'animation se nomme « Coco ». Quel comédien,
quel imitateur, quelle présence, il sait tenir une salle en haleine par son charme, sa gouaille, son charme, bref son talent.
Moi qui suis d'un naturel très timide à tel point que lorsque je me
regarde dans le miroir, je n'ose pas m'adresser la parole, je me retrouve face à quelqu'un qui n'a peur de rien. Du moins en apparence!!!
Il me présente un jour à 400 vacanciers qui sont en train de déjeuner et
me tend un micro afin que je puisse m'exprimer. Pour la première fois de ma vie, je me retrouve un micro à la main face à des étrangers.
Je comprends la peur et la solitude des esclaves face aux lions dans une
arène Romaine !!!
Je le vois reculer d'un pas et faire
signe discrètement à ce public en attente que « le petit est paralysé de peur. Il a les pétoches !» Mon sang ibérique ne fait qu'un tour dans mes orgueilleuses veines et je
reproduis le discours qu'il a lui-même tenu avec mes mots, ma hargne et un immense sourire qui lui fera dire une fois sorti de la salle à manger :
« C'est génial, tu as déjà fait ça
toi !? »
" Monsieur CHARLOT"
(Avec une de mes
soeurs....)
Je pense que là, à ce moment précis, ma vie venait de basculer encore une
fois. Finie ma timidité, le bonheur venait de couler dans mes artères. Je découvrais la scène, le public, la célébrité car étant un animateur, beaucoup de choses m'étaient permises, notamment
celles de pouvoir regarder les femmes et de les trouver plus désirables les unes que les autres?
" A tout bientôt !!! "